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C'est ce titre, "The Impostors" que Mmes Chapman et collaboratrices, n'hésitent pas à donner au chapitre de leur livre (voir rubrique livres) dédié aux Roses Thé qui circulent sous de faux noms pour diverses raisons. Ce peut être l'absence de vérification de l'authenticité de la rose, un faux nom délibérément donné pour faire croire à une nouveauté pour se l'attribuer, voire même pour des raisons idéologiques ! Voici un autre cas.
Le scandale de 'Mme Isaac Pereire'
Tous les amateurs de Roses Anciennes connaissent une Bourbon sous le nom de 'Madame Isaac Pereire. Cette rose est célèbre pour la beauté de la fleur et peut être plus encore pour son parfum. Bien que datant de 1880, elle est toujours commercialisée partout dans le monde, elle le fut sous ce nom et attribuée à Margottin fils, une double imposture !
En effet, à Londres un prix fut donné en 1882 à une rose nouvelle ‘Madame Isaac Pereire’ attribuée à Jules Margottin, dit Margottin fils, rosiériste de Bourg-la-Reine. Ce prix fit scandale ! Voici ce qu’écrit alors la Société centrale d’Horticulture de Rouen : « Dans cette exposition organisée par la Société botanique d’Angleterre, nous remarquons, figurant sous le nom de ‘Mme Isaac Pereire’ une Rose grande et bien faite, couleur rose foncé, connue des amateurs sous un autre nom. M. Garçon, l'heureux et habile semeur de Roses, l'avait obtenue de ses semis, elle avait été baptisée par lui du nom de 'Le Bienheureux de La Salle' (Ce fut si nos souvenirs sont fidèles, en 1876). Seul M. Garçon pourrait nous expliquer pourquoi sa rose a changé de nom en traversant la Manche, car nous savons qu'il est dans les usages et habitudes de la Société d'horticulture de Londres de décerner la récompense, non au présentateur, mais à l'obtenteur ; ce que nous avançons, nous pouvons le prouver... »
Cette
rose avait donc été obtenue à Rouen, par Armand
Garçon, ouvrier jardinier travaillant
dans une propriété voisine, qui, rentré chez lui avait
pour passion de créer de nouvelles roses. Comme c'était l'usage,
il venait présenter ses obtentions "sur le bureau" aux réunions
de la Société d'horticulture de Rouen, qui ayant apprécié
leur nouveauté présenta les roses de Garçon dans diverses
expositions de la région ainsi qu'aux Expositions universelles de Paris
de 1867 et de 1878. On notera qu'Armand Garçon
s'était déjà fait remarquer à l'Exposition universelle
de 1867. Le journal de Rouen Le Moniteur "annonce
que M. Garçon a reçu un premier prix pour roses de semis et que
l'impératrice daigne à ce qu'une de ses obtentions porte son nom
il faut donc récompenser ce simple ouvrier jardinier arrivé à
se placer au premier rang des semeurs français".
Le préfet Limbourg, lors de la séance solennelle
de rentrée de la Société d'Horticulture de Rouen, remettra
300 fr Or à Garçon, pour le remercier de la "promotion
de la Normandie" qu'il avait faire avec son prix de l'Exposition universelle.
Garçon faute de vouloir commercialiser ses obtentions, vendit notamment sa rose 'Le Bienheureux de La Salle' à Jules Margottin qui se l'attribua et en changea le nom certainement contre des espèces sonnantes et trébuchantes, les Pereire étant une famille de banquiers et d'industriels internationaux !
Du fait du scandale créé dans le landerneau du monde des roses, le nom du véritable obtenteur a été restitué mais pas celui de la rose !
Armand Garçon et Le Bienheureux de La Salle
Jean-Baptiste de La Salle (1651-1719) passa les 15 dernières
années de sa vie à Rouen. Pour les enfants
les plus pauvres, il créa les Frères des Ecoles chrétiennes
réparties aujourd'hui dans 82 pays, inventa les cours en classe en français
et non plus en latin, par niveaux et non plus individuels, la gratuité
de l'enseignement primaire, les cours du soir et du dimanche pour les jeunes
travailleurs. On peut donc imaginer qu'Armand Garçon, modeste ouvrier
jardinier, a pu bénéficier des enseignements légués
par La Salle, par exemple des cours du soir pour les ouvriers, et qu'il voulut
lui rendre hommage en lui dédiant sa rose aujourd'hui la plus connue.
On peut penser aussi qu'il ignorait jusqu'à l'existence des Pereire.
Autant de raisons qui montrent qu'il convient de redonner à cette célèbre
rose, son nom d'origine 'Le Bienheureux de La
Salle' que lui avait donné son obtenteur Armand
Garçon.